Un tweet de 140 pages…

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Un collectif spontané, autoproclamé et se donnant lui-même un nom vient de publier une mise à jour d’un vieux rapport. Leur hypothèse est que la réglementation au Québec est si mauvaise qu’elle incite à « gaspiller notre eau douce pour quelques gouttes de pétrole ». La rédaction fait paraître leur « étude » comme si c’était un débat à sens unique sur Twitter, avec des références à des articles de journaux.

Comme le titre le laisse imaginer, si vous êtes radicalement contre le développement des hydrocarbures, vous aimerez fort probablement leur travail. Les auteurs sont des activistes bien connus dont le biais est une fois de plus mis en évidence. Le collectif reprend un vieux débat de 2010, sélectionne minutieusement quelques éléments et des articles de journaux afin de tenter de réfuter les experts scientifiques. Or, le débat de 2010 s’est avéré peu productif à l’époque, car les activistes n’étaient pas des experts et parce que l’on a jugé les experts de l’industrie comme étant biaisés.

C’est pour éviter de récolter seulement des opinions (ce que certains appellent de la fausse science) que le BAPE avait recommandé la tenue d’une Évaluation environnementale stratégique (ÉES) afin d’évaluer scientifiquement les techniques modernes en usage dans le secteur pétrolier et gazier. Les États-Unis ont demandé à l’Environmental Protection Agency (EPA) de faire la même chose, à peu près pour les mêmes raisons.

Cette ÉES est l’étude récente la plus complète sur le secteur pétrolier et gazier au Canada. Mais les vrais scientifiques ne font pas de conférences de presse. Leurs études ne sont pas médiatiquement spectaculaires, mais leur travail parle de lui-même. L’ignorance des médias face à ces vraies études est décevante, mais compréhensible. 

L’industrie a passé en revue cette ÉES. Nous avons respectueusement présenté, en consultation publique, les éléments avec lesquels nous étions en désaccord. Par exemple, les fuites de carbone sont majeures au Québec, et elles augmentent l’émission de GES en délocalisant la production. Le grand succès des politiques environnementales de la Norvège est justement leur efficacité à limiter d’exporter leurs émissions de GES à l’étranger. L’ÉES ne traitait pas de ce cas pour le Québec.

Le collectif nomme son travail “une vaste étude”. En réalité, il ne s’agit même pas d’un bon bilan de la littérature. La grande majorité des citations concernent des articles de journaux ou de blogues. Leurs références à de vraies études, encore une fois, sélectionnent de manière biaisée certains éléments, et en omettent d’autres, comparables, comme c’était le cas en 2010 dans leur travail. C’est un genre de Tweet de 140 pages qui met en relief une prise de position polémique destinée à choquer et à créer la controverse. J’adore argumenter sur Twitter, mais il est temps de passer à quelque chose de plus sérieux.

Plutôt que de retourner à la confrontation de 2010, parlons des vrais enjeux. Tout le monde, y compris le gouvernement, est d’avis que nous avons besoin d’une nouvelle loi et d’un nouveau système de réglementation. C’est pourquoi le projet d’exploration sur Anticosti est le sujet de tant d’attention, de surveillance et d’inspections. Nous respectons les préoccupations légitimes du collectif et ils soulèvent des questions pertinentes. Des projets comme celui de Pétrolia représentent l’occasion idéale de répondre à leurs craintes et à leurs interrogations. Si le collectif était vraiment à la recherche de données et de solutions, il soutiendrait cette approche.

Six ans se sont écoulés depuis le débat de la fin de la décennie précédente. Aujourd’hui, nous pouvons aller de l’avant et créer une nouvelle loi efficace et moderne sur les hydrocarbures au Québec, en nous servant des recherches scientifiques menées par des experts indépendants . Nous pouvons obtenir les mêmes succès que la Norvège et les États-Unis : réduire nos fuites de carbone, l’impact de notre société sur l’environnement et développer notre économie en même temps.

Les États-Unis ont réduit leurs émissions de GES depuis qu’ils produisent leurs propres hydrocarbures. Pourquoi pas nous?  Le gros bon sens commande d’agir localement et de produire pour nos propres besoins. C’est nettement mieux pour notre environnement et notre économie que de continuer d’importer tout le pétrole et le gaz que nous consommons.