Un livre vert pour faire changer les lumières rouges

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Les gens qui me connaissent bien savent que je ne passe pas mon temps à louanger le travail des gouvernements. Toutefois, je reconnais que le gouvernement du Québec fait preuve d’un leadership essentiel au sujet de l’acceptabilité sociale, et qu’il mérite nos compliments.

Notre découverte de gaz naturel dans l’Utica de Bécancour et Lotbinière a lancé le débat sur les hydrocarbures en 2010. Depuis, toute une série de projets en matière d’énergie ont vu le jour au Canada. Les uns après les autres, ils ont été confrontés aux défenseurs de l’utopie d’un monde utilisant uniquement « de nouvelles sources d’énergie ». Il est évident que les nouvelles préoccupations en matière d’acceptabilité sociale ne sont pas uniques aux projets en sol québécois.

Ajouter le mot « social » à « acceptabilité » est un drôle d’amalgame. La « justice sociale » est-elle meilleure que la « justice »? La « démocratie sociale » est-elle plus solide que la « démocratie »? Quand on met « sociale » après « acceptabilité » quel nouveau sens engendrons-nous vraiment?

L’acceptabilité sociale a ses racines dans deux phénomènes : les « médias sociaux » et la nécessité de consulter. J’ai déjà mentionné qu’Internet est la plus grande démocratisation de l’information depuis l’invention de l’impression.

http://www.theglobeandmail.com/report-on-business/careers/management/scrappy-oilman-binnion-asks-critics-to-counter-his-arguments/article7896695/

En un sens, la technologie diminue le besoin d’une démocratie représentative en créant une possibilité technique d’avoir davantage de démocratie directe. Une des résultantes est un affaiblissement de la légitimité quand le gouvernement juge un projet et la capacité de contestation accrue pour l’ensemble des groupes sociaux.

La nécessité de consulter, pour sa part, a évolué depuis la révolution sociale des années 1960. L’obligation d’informer est maintenant part de la plupart des réglementations. Il y a aussi de plus en plus de devoirs légaux de consulter les gens impactés par un projet. Pour les projets touchant aux premières nations, la nécessité de consulter a même été reconnue comme étant un droit constitutionnel.

Le problème est que la législation n’a pas suivi les jugements des tribunaux et que le point de départ et de fin des consultations est souvent flou. Ceci entraîne un vide. Comment savoir qui consulter? Quand? Et quand des consultations sont justifiées?

Dans ce vide, les opposants ont mis de l’avant le concept d’acceptabilité sociale. Ils définissent le concept, globalement, comme étant le but ultime des consultations. Qu’on peut aller de l’avant quand la « société » a donné son acceptation. D’un point de vue de justice sociale, on dit que si vous êtes membre de la société, vous avez alors droit de donner, ou non, votre acceptabilité sociale. C’est une logique attirante. Elle a rapidement fait l’affaire des professionnels en relations publiques qui y ont vu une belle occasion de s’enrichir. La logique est séduisante, mais son application pratique l’est beaucoup moins.

En théorie, tout le monde veut consulter, mais, en pratique, souvent, les gens sont trop occupés pour passer des semaines à bien connaître un projet et ses impacts. Les projets modernes ont une myriade de détails, ce qui est pourquoi, les gouvernements étaient reconnus, comme les experts devant les juger.  Les citoyens délèguent donc maintenant leurs droits à d’autres citoyens, les hyperengagés. Ces personnes sont rarement des experts et ils sont trop souvent de mèche avec les professionnels de l’opposition perpétuelle à tous les projets de développement.

Le devoir de consultation s’est donc transformé en une pratique voulant l’obtention d’une acceptabilité sociale. Curieusement, cela veut souvent dire obtenir l’aval des opposants, car ce sont eux qui sont les plus engagés dans l’évaluation du projet.

Le gouvernement du Québec a reconnu cela. Ce n’est pas seulement le projet de gaz naturel dans l’Utica qui doit travailler fort pour obtenir l’acceptabilité sociale. Des douzaines de nouveaux projets au Québec sont bloqués, dans les mêmes circonstances ou à peu près. La vision du gouvernement est de proposer une forme de définition du processus de consultation.

Le ministre Pierre Arcand a publié le Livre vert. C’est une feuille de route pour des meilleures pratiques que le gouvernement et les promoteurs de projets devront consulter avant de présenter une nouvelle initiative. Le Livre vert ne va pas aussi loin que de mettre en place des règles objectives, il reste donc un certain vide. Par contre, il a le grand mérite d’établir certains principes clairs. Un en particulier est que l’acceptabilité sociale ne veut pas dire unanimité et que l’approbation de l’ensemble des opposants n’est donc pas nécessaire.

Je pense que cette manière de voir est très novatrice. C’est un modèle pour toutes les social-démocraties du monde. Nous devrions regarder ce leadership du Québec et voir en quoi il pourrait aider à mieux faire fonctionner l’acceptabilité sociale dans l’ensemble du pays. Pour faire tourner une série de lumières rouges, peut-être n’avions besoin que d’un Livre vert !