Québec et Alberta: deux visions du passé mais un avenir commun

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Si le Québec n’avait pas imposé un moratoire sur la production de gaz de schiste en 2011, je n’aurais jamais eu la chance d’apprendre le français. Preuve que tout revers présente d’intéressantes opportunités.

Si je n’avais pas appris le français, je n’aurais jamais eu les profondes discussions essentielles que j’ai eues avec des Québécois au sujet de leur langue, de leur culture, de leur histoire et de leur vision de l’histoire de notre pays. Pire, je n’aurais jamais eu la révélation que ce que nous sommes est représenté par les histoires que nous nous racontons afin de nous expliquer notre propre existence. J’ai aussi compris que ces histoires, et qui nous sommes en tant que Canadiens, dépendent de l’instant du commencement de notre existence collective.

L’Alberta et le Québec sont à chaque extrême de l’histoire canadienne. Pour les Albertains, l’histoire commence avec l’arrivée du chemin de fer en 1886. Des deux côtés de ma famille, je suis un albertain de cinquième génération. Notre histoire est tellement récente, que j’ai appris directement de la bouche de mes grands-parents l’histoire de la colonisation de l’Ouest et de la fondation de notre province!

Pour moi, l’Alberta est un état d’esprit. Quelqu’un pourrait y être depuis six générations et ne pas le comprendre, tandis qu’un nouvel arrivant pourrait saisir cet état d’esprit en moins de six mois. Les Albertains ont une identité collective fondée sur une vision commune de l’avenir, car nous avons une histoire collective archi-récente, partagée par un faible nombre de personnes.

Évidemment, les Québécois ont un narratif historique d’eux-mêmes qui est différent de celui des Albertains. Pour ces canadiens de la première heure, l’histoire s’amorce véritablement en 1608, par la fondation de la ville de Québec. Au début de notre histoire, le terme « canadien » était péjoratif, étant utilisé par la noblesse française pour désigner ceux qui avaient quitté la mère-patrie pour s’établir dans une contrée lointaine. Contrairement aux Albertains, les Québécois ont une identité basée sur un riche passé, partagé par un très grand nombre de personnes.

Le Canada a été une nation française durant presque 200 ans. Ce sont des explorateurs français, des missionnaires, des marchands et des coureurs des bois qui ont découvert et peuplé le cœur de notre pays. De Cadillac au Père Lacombe, en passant par Franchère, ils ont conquis l’intérieur du pays par les voix maritimes qui sont devenues les grands axes du transport. Ce sont des marchands français qui ont fondé la première corporation, la Compagnie de la Baie d’Hudson, par leur désir de raccourcir les distances de transport. Dans l’esprit du coureur des bois, les Québécois ont été les premiers entrepreneurs du Canada.

Je crois que la plus ancienne culture du Canada, de même que la plus récente, ont des choses à s’apprendre mutuellement.

Les Albertains peuvent apprendre que c’est la nature indépendante et aventurière du passé qui a mené à notre état d’esprit actuel, cet état d’esprit que tant de gens qui viennent en Alberta recherchent. L’Ouest peut aussi apprendre du Québec que la culture peut solidifier son avenir et lui donner un sens.

La terre des premiers entrepreneurs du pays peut échanger avec des Albertains et se remémorer que les Québécois ont déjà construit leur identité autour d’une perception de leur avenir collectif. Ils peuvent redécouvrir l’esprit du coureur des bois qui fait partie de leur ADN et réaliser qu’une culture forte a autant besoin d’un avenir prometteur que d’un riche passé.

L’Alberta et le Québec sont véritablement les chapitres les plus distants de l’histoire canadienne. Parfois, il peut être difficile de se comprendre tandis que l’on interprète notre histoire à partir de points de départ si différents. Toutefois, imbriqués dans notre manière de voir le monde, nous avons tous deux le désir profond de décider pour nous-mêmes et d’être les maîtres de notre destinée. Cette ambition fondamentale, et ce que nous avons à partager, est ce qui fait en sorte que l’Alberta et le Québec sont si forts et si influents au Canada quand ils travaillent de concert.

Si l’Alberta et le Québec, malgré leur histoire et leur situation géographique si opposées arrivent à s’entendre et à s’affirmer ensemble en tant que Canadiens, ce sera la preuve que tous les Canadiens, peu importe leur origine et la vision historique qu’ils ont d’eux-mêmes, peuvent y arriver.