Je crois que les prémisses du compte rendu fictif scénarisé récemment par Matt Damon au sujet des impacts de la fracturation hydraulique m’apparaissent offensantes pour les agriculteurs. Bien que le film soit tout aussi insultant pour les gens de l’industrie gazière, personne, mis à part ma mère, ne s’en fera pour eux.
Une des prémisses laisse croire que les agriculteurs sont des personnes vulnérables qui, comme des personnes âgées crédules, auraient besoin d’être protégées des représentants à la langue bien pendue, des êtres vils qui seraient prêts à vendre leur propre grand-mère pour une poignée de dollars.
L’autre prémisse est que les gens de l’industrie gazière et pétrolière seraient des manipulateurs sans scrupules, un peu à la manière de J.R. Ewing dans l’émission Dallas. Les représentants de cette industrie recourraient à l’intimidation et aspireraient à la réussite sans autre considération que celle de gagner de l’argent.
Une fois ces prémisses posées, entre en scène le héros du film : un astucieux « environnementaliste » qui, grâce à Internet, dévoile le plan de ces « ignobles » sociétés pétrolières.
La solution consiste à empêcher les agriculteurs naïfs de prendre de mauvaises décisions au sujet de leurs terres. Beau parleur, l’environnementaliste tente de persuader les agriculteurs de tenir tête au représentant de la société gazière et pétrolière. De manière invraisemblable, celui-ci décide d’intimider les agriculteurs américains qui, par ailleurs, disposent du droit de port d’armes et dont les propriétés sont protégées par la constitution. Il souhaite ainsi les forcer à faire de leurs terres quelque chose qu’ils ne veulent pas.
Cette production veut enjôler les citadins en leur montrant combien futés ils sont, par rapport à de simples agriculteurs qu’on doit protéger contre leurs propres choix. On essaie même de faire croire à ces citadins qu’ils sont encore plus malins que les grandes et riches sociétés pétrolières dont un environnementaliste arrive si facilement à pénétrer les desseins à l’aide d’Internet.
Comme le dit Steve Forde, « comparer des faits à une réalisation fictive telle que Terre promise revient à comparer des faits à un film de Batman ». Néanmoins, les faits tordus présentés dans Terre promise, comme cette ferme devenue entièrement brune des suites de la fracturation, se retrouvent directement sur la Twittosphère. Je comprends qu’il est essentiel que l’intrigue du film soit bien ficelée, mais cela ne la rend pas plus réelle que ne l’est la Batmobile.
Questerre traite avec des douzaines d’agriculteurs et croyez-moi, je serais bien mal avisé d’essayer d’en intimider un. Par ailleurs, les agriculteurs connaissent bien le dossier. Après tout, ils disposent eux aussi de connexions Internet ! La plupart d’entre eux possèdent assez de connaissances sur les terres et les équipements mécaniques pour ne pas avoir à s’en remettre au Web pour se forger une opinion sur le forage, la fracturation hydraulique et leurs impacts. Et ils connaissent tous des avocats.
Les agriculteurs sont de bons intendants de la terre. Les dépeindre sans raison comme des personnages de dessins animés de productions hollywoodiennes est irrespectueux. Peut-être pourrions-nous au moins nous entendre sur l’importance de faire preuve d’un peu plus de respect envers les connaissances et le savoir-faire des propriétaires d’entreprises indépendantes que sont les agriculteurs.